Caroline Lamarche aurait voulu que son éditeur Gallimard indique sur la couverture de son dernier livre , non pas "roman", mais "Une histoire". C’est de cela qu’il s’agit : une histoire. Celle d’un viol. Celle d’une femme qui dans un monologue fait le récit d’un viol qu’elle a subi vingt-cinq ans plus tôt. Un rêve déclenche la narration menée sans pathos, sans plainte. Avec la résolution épurée de l’écriture qui puise ses forces dans l’ironie, dans la ligne claire et dans le refus de se lamenter. Un livre écrit à la première personne. Le "je" réaffirme toute sa force : la littérature ne connaît pas la prescription.
La lecture de ce livre épuré transforme notre perception de la violence faite aux femmes.
Edmond Morrel
Nous avons rencontré Caroline Lamarche à quelques jours de la Foire du livre de Bruxelles. Elle lit le début de son livre qui avait fait l’objet d’une lecture en Avignon par Dominique Blanc toujours disponible en podcast sur France Culture.
« Mes tympans se sont mis à siffler, mon cerveau à bouillir, je ne parvenais plus à penser qu’à une seule chose, qui ne me servait strictement à rien à cet instant. Je me suis souvenue de ce que m’avait dit le commissaire de police qui recueillait ma plainte. Il m’avait posé une question qui m’avait plongée dans la confusion la plus grande. J’avais répondu – on répond toujours à un commissaire – quelque chose que je dirai peut-être un jour. Il m’avait dit alors que je devais le taire, que cela resterait entre lui et moi, car si je le disais, cela me desservirait au tribunal.
Allais-je donc passer au tribunal ?
Je ne comprenais pas.
Le criminel c’était l’autre, non ?
Ou moi ? »
D’un monologue guidé par l’étrange beauté d’un rêve, émerge le souvenir de faits qui eurent lieu sans autre témoin que l’air. L’air conserve la mémoire de toutes les histoires que les humains se racontent depuis la nuit des temps. Le viol est l’une des plus anciennes. Et des plus actuelles.