Véritable roman du siècle, le dernier livre de Jean Yvane nous plonge dans une société dont l’identité n’est pas précisée, mais qui, au fil des pages ressemble étrangement à celle que nous côtoyons aujourd’hui, celle que nous devinons, tentaculaire, se développer autour de nous, celle dont nous devinons les signaux angoissants surgir à chaque événement dont nous avons l’écho permanent.
D’une écriture hypnotique, (dont la musique est saccadée par des phrases parfois interrompues en cours de route, le lecteur en découvrira la raison à la fin du livre...), Yvane nous décrit le couple que forme Charlotte et Yvon, la famille qu’ils composent avec leurs enfants sur le point de partir, et cette "Vita Nova" qui semble organiser leur destin et les emmener vers l’inconnu.
L’angoisse d’Yvane, modulée par l’humour et l’humanité, est ici un indispensable baromètre de notre temps. Le romancier nous dit un monde brutal, cynique. Il nous dit un monde où plus personne ne trouve sa place. Il nous invite à la vigilance humaniste.
N’est-ce pas là une des fonctions essentielles de la littérature ?
Ce roman en fait une éclatante démonstration. Il est à la fois exigeant et fascinant. Une fois refermé, il ne nous quitte plus.
Ecoutez la voix de cet écrivain hors norme, publié chez un éditeur, Pierre-Guillaume de Roux, dont le catalogue enrichit la bibliothèque de l’honnête homme.
Edmond Morrel, Paris, le 19 décembre 2013
NB : Nous avions rencontré déjà Jean Yvane à propos de son précédent roman, "Parlez-moi de Djebel Amour", toujours disponible sur espace-livres.be
Yvon est un immigré clandestin politique. Il est vigile de l’immeuble de Vita Nova, dont l’enseigne lumineuse, domine la ville, alors que sa vocation est de dessiner (voire de construire) des ponts. Un soir qu’Yvon tente de réparer un poste de radio. Charlotte, son épouse, ressent une menace voilée planant sur la ville et persuade Yvon de fuir. Au même instant, ils échappent à une grande explosion, au Grand Marché, ayant fait de nombreuses victimes. Le bateau qu’ils prennent est bientôt arraisonné par les patrouilles fluviales, soumis à un interrogatoire en règle, les passagers sont finalement autorisés à poursuivre leur voyage, mais leurs enfants leur sont retirés, devant rester au pays. Le chapitre faisant suite à cette traversée met en scène le mariage de Charlotte et d’Yvon, assez longtemps après, comme s’ils n’avaient jamais connu le pays. Ce mariage est perturbé par un commando qui semble tout d’abord prendre toute la noce en otage, en l’enfermant dans un périmètre délimité par des fils de nature inconnue. Un invité est même carrément mis à l’écart, menotté, comme s’il devait être le premier otage sacrifié. Puis, tout change, les étranges fils se transforment soudain en guirlandes. Les membres du commando retirent leurs masques et se révèlent être des jeunes gens et jeunes filles fort avenants. Charlotte et Yvon découvrent faire partie de couples sélectionnés par Vita Nova. Ils doivent remplir un questionnaire pour faire peut-être partie des quatre finalistes qui seront primés, dans le cadre de la campagne de Vita Nova : Votre vie nous intéresse. Les quatre pris sont significatifs : les quatre couples sont assurés de leur laisser une trace de leur passage sur terre, il leur est offert « une vie nouvelle », par les moyens de l’art : à partir d’entretiens concernant ce qu’ils ont vécu, y compris de plus privé, leur vie fera l’objet d’un film, d’un livre composition musicale, ou d’un tableau.
S'abonner au podcast