Dans cette fable hypnotique, Luc Delissse met en pratique cette réflexion dont tout romancier pourrait faire devise : "Il est assez facile pour un esprit organisé, c’est à dire littéraire, de penser l’impensable". Sur base de ce que nous savons (ou croyons savoir) des événements planétaires qui ont jalonné l’histoire récente depuis le raz-de-marée et la catastrophe nucléaire de Fukushima, l’écrivain dresse un inventaire de ce qui est susceptible de survenir en 2013. Dellisse est bien conscient du risque qu’il prend à dater ses pronostics dans un futur aussi proche, mais son propos n’est pas d’écrire un roman de science-fiction, "mais une fable. (2013) ne décrit pas l’avenir, même prochain, mais le présent. Il le décrit avec les moyens romanesques. (Il dit) ceci est une autre forme possible du présent."
Dellisse est un romancier empathique à l’égard de ses personnages, protagonistes réels (DSK, François Hollande, qui lui "inspire une inquiétude affectueuse", Edgar Morin) ou personnages de fiction (le narrateur, sa famille, CKC, double fictif de Strauss-Kahn, son éditeur Pascal Bédier qui ne croit plus aux romans...). Cette compassion, alliée à une ironie désabusée et à une déroutante acuité poétique de l’expression, emmène le lecteur à travers les possibles les plus inquiétants de ce futur proche.
Ce roman, qui se lit avec jubilation, vous en apprend davantage sur le monde que tous les journaux télévisés des douze dernières années confondus. 124 pages à déposer sur tous les bancs d’école, dans tous les isoloirs , dans les rédactions des journaux, dans les travées des parlements...
Peut-être n’est-il pas trop tard ?
Edmond Morrel
PS : Luc Dellisse qui est aussi poète, vient de publier chez Le Cormier un recueil de poèmes intitulé "Ciel ouvert". Il nous en parle dans un interview sur espace-livres. Le romancier prolonge également, dans une voie poétique, son roman 2013 sur un blog : "2013 a eu lieu"
Sur le site de l’éditeur, "Les Impressions nouvelles"
Il y a eu de nombreuses prémisses, durant les deux années qui ont précédé cette crise – la plus grande crise des temps modernes. Il y a eu, comme un brouillon de la fin du monde, les raz de marée sur le Japon. Puis il y a eu la dégringolade des Bourses, la fin des crédits bancaires, la faillite de l’Italie, la sortie de l’euro, le retour aux économies fermées, les premiers conflits armés entre pays d’Europe, les émeutes de Bruxelles, le scandale de l’ONU et le chantage de la Chine. Tous ces événements se succédaient si vite qu’ils se transformaient en spectacle sans qu’on sache où ils nous menaient. Mais l’un d’eux les a tous résumés, l’un d’eux a paru, véritablement, être l’étincelle qui mettait le feu aux poudres, et éclairait la situation d’une lueur tragique : c’est l’incendie du Parlement européen. Il me semble que c’est ce jour-là que tout a vraiment commencé.
2013 Année-terminus est un roman, un petit récit d’aventure, qui tire les conséquences romanesques de la grande crise que nous traversons. Mais c’est une fiction qui n’a d’autre sujet que la réalité…
Luc Dellisse est né à Bruxelles par hasard. Son vrai vivier natal, où il a vécu jusqu’au seuil de l’âge adulte, c’est la Flandre belge, curieux mélange de Moyen Age et de modernité qu’il a décrit, sous une forme très fictionnalisée, dans La Fuite de L’Eden, roman publié en 2004.
Il a survécu tant bien que mal au dressage de l’enfance et à l’extrême rigueur de l’éducation religieuse qui lui a été dispensée. Il a d’abord consacré sa liberté retrouvée aux voyages et à l’aventure, alternés avec des métiers divers et des études variées, rarement menées jusqu’au bout. Il a ensuite été tout à tour fonctionnaire, scénariste de BD et de télévision, directeur de magazines d’art, responsable de projets culturels (époque qu’il décrit dans Le royaume des Ombres, paru en 1998).
L’auteur a vécu l’essentiel de sa vie adulte en France, sans jamais rompre le fil avec Bruxelles, sa ville natale. Cette prégnance de Bruxelles joue un rôle certain dans son dernier roman aux allures de conte philosophique, 2013 Année-terminus.
Professeur de scénario à la Sorbonne et à l’Université libre de Bruxelles, il se passionne pour l’enseignement autant que pour la littérature. Ce sont les deux versants de son activité d’écrivain : toujours, il s’agit pour lui de recréer avec des mots un monde plus cohérent, plus précis, plus flamboyant que dans la vie ordinaire.
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