Aller à la rencontre d’un artiste, l’interroger sur son art est un privilège donné à celles et ceux qui font métier de partager ce moment de grâce que constitue la confrontation pacifique avec une sensibilité, une esthétique, un regard sur le monde. Lorsqu’ils sont aussi des personnages « publics », il est certains artistes dont le travail est menacé d’être escamoté derrière un nuage de fumée, parfois nauséabonde, d’une actualité qui prendrait le dessus sur l’œuvre, plaçant les créateurs à la merci du fait-divers, exacerbant sur la place publique ce qui devrait se cantonner dans la sphère privée, voire intime. Il s’agit alors, c’est en tout cas notre conviction éthique, de se concentrer davantage sur ce que l’artiste nous donne à voir, s’agissant d’art plastique, ou à lire, s’agissant de littérature. Même si une œuvre se nourrit de tout ce qui fait la personne, y compris cette part d’intime que nous évoquions plus haut, il convient, nous semble-t-il, de centrer notre attention, notre regard et notre écoute sur ce que l’artiste a choisi d’en extraire, pour le transformer par son art en une peinture, une sculpture, un livre, un poème, une symphonie.
Ainsi en a-t-il été de la rencontre avec Delphine Boël, plasticienne belge, ayant longtemps vécu à Londres et dont une rétrospective permet de parcourir certaines étapes de son œuvre sous le titre « Never give up » au Musée d’Ixelles. L’exposition s’y tient du 15 février 2017 au 14 mai 2017.
L’exposition permet au visiteur de parcourir différentes étapes de la carrière de l’artiste , depuis sa formation à à la Chelsea School of Art de Londres, dans les années nonante. L’itinéraire de Delphine Boël est jalonné d’œuvres lumineuses, intenses, où se succèdent avec une sorte d’avidité et de curiosité insatiables les techniques (carton mâché, peinture, néons…) et les formes. Devenue personne publique à double titre, - l’actualité liée à sa recherche de paternité prend le dessus sur les échos donnés à l’œuvre-, Delphine Boël puise dans cette expression protéiforme les moyens de nourrir une inspiration marquée par l’humour, parfois la dérision, le non-conformisme, la rage aussi, mais toujours transformée dans l’exutoire de la jovialité et de l’ironie, de l’excès et de l’exubérance. Ne jamais lâcher prise (« Never give up »), à n’en pas douter Delphine Boël y parvient en puisant dans cette infinie consolation de l’art, les énergies les plus fulgurantes, faisant de la jeune femme une personnalité éminemment attachante, qui fait de la fantaisie un merveilleux mode d’expression d’une sensibilité à fleur de peau et d’une fragilité désarmante.
Ne manquez pas cette exposition qui, d’une certaine manière, nous dit beaucoup sur notre époque : la puissance de la rumeur « gossip », l’hypocrisie régnante, la prépondérance des apparences, la vanité, le manque d’amour…mais aussi qui démontre la transcendance de l’art. Celui-ci, d’une certaine manière, nous donne à ressentir la vérité lorsqu’elle nous échappe, la bonté dont l’accès nous est interdit, la grâce dans son double sens de bienveillance et de beauté.
Edmond Morrel, Saint Idesbald le 2 avril 2017.
A l’occasion de cette exposition paraît le livre « Never give up »http://www.marquebelge.com/livres/d... réalisé par Ana Finel Honigman dans une édition bilingue français-anglais publiée chez « Marque Belge »
A visiter les sites de
Delphine Boël et du Musée d’Ixelles