Nous avons rencontré Kenan Gorgün à l’occasion de la publication du premier volume de ce qui sera une trilogie, "Anatolia Rhapsody". Ce récit hors normes apporte un regard d’écrivain sur l’immigration turque en Belgique dont on commémore le cinquantième anniversaire. Appartenant à la deuxième génération, Gorgün aborde - pour la première fois dans son oeuvre de cinéaste et d’écrivain - un vécu qu’il nous restitue dans toute sa vérité et sa complexité. En filigrane, le portrait émouvant et sensible de son père et de sa famille emprisonnés dans la nostalgie et l’"exil immobile".
On dit parfois que seule l’écriture littéraire dévoile vraiment la part de l’indicible : Gorgün en fait une bouleversante démonstration.
Edmond Morrel
Il y a cinquante ans certains pays d’Europe comme la Belgique et la France ont ouvert grand les bras pour accueillir les travailleurs invités issus des zones rurales d’Anatolie. Ils seront les « travailleurs invités ». Ils seront nos pères et nos mères ; vos ouvriers, vos nettoyeuses, puis vos bouchers, vos épiciers, vos voisins, parfois vos amis. Depuis cinquante ans, nous avons fait l’objet de quantité d’enquêtes et d’études, produit des discours et des statistiques à foison ; connu de nombreuses défaites et quelques victoires. Ce récit démarre à la fin des années 1960, avec l’arrivée du père de l’auteur en Europe – une traversée clandestine de plusieurs frontières – et s’achève, par trois points de suspension, avec la décision de l’auteur de retourner vivre à Istanbul pour y poursuivre sa recherche identitaire... quelques mois seulement avant l’explosion d’un mouvement de contestation sans précédent en Turquie.
Entre les deux, l’auteur pose un regard personnel, tendre mais lucide, sur les combats de l’immigration, sur la langue, sur le rapport à l’autre et à la communauté, à la sexualité et au mariage, à la tradition et à la modernité. Ainsi, il rend hommage aux aînés et au passé, mais aussi, nous emmène dans une exploration de ce présent métissé qui est le nôtre, d’un monde qui est devenu village mais où nos villages ne sont plus. Avec émotion et humour, il convie toutes les figures de l’ici et de l’ailleurs et compose une rhapsodie anatolienne bouleversante.
Anatolia Rhapsody est le premier titre d’une trilogie.
Les deux autres titres de la trilogie à paraître sont Rebellion Park et Oriental Highway.